Trois ans s'étaient passés depuis que Douhbée avait commencé sa vie d'écuyer avec Leelah, une femme admirable avec qui l'adolescente, maintenant presque femme, adorait passer du temps. Ses entraînements étaient terriblement éprouvants, mais elle avait au moins l'impression d'apprendre quelque chose. Si la Sous-Chef de l'Ordre n'était pas une femme délicate et maternelle, il n'en était pas moins qu'elle savait reconnaître le talent et pousser les efforts dans la bonne direction pour qu'un progrès s'effectue. Douhbée s'étonna de s'attacher à son Maître beaucoup plus qu'elle ne s'y attendait au départ, et elle se doutait que l'émotion était réciproque, bien que non énoncée.
Les deux femmes n'étaient jamais revenues sur le sujet de leur petite intimité au bord de la plage, et Douhbée le regrettait amèrement. Elle aurait aimé en savoir plus sur son maître, comme elle aurait voulu lui expliquer d'où elle venait, ce qu'elle avait vécu, mais elle n'avait pas osé ramener le sujet, puisqu'elle avait affirmé qu'elle oublierait avoir vue Leelah pleurer. La vérité est qu'elle n'oublierait jamais, que cette femme n'était pas faite de pierre, et c'est justement pourquoi elle l'admire autant.
Mais maintenant, il était trop tard. Suite à leur escapade en territoire ennemi, Leelah était décédée, et il s'en était fallu de peu pour que Douhbée y passe aussi. L'adolescente était revenue de mission brisée, dans son corps et dans son âme, et avait passé des jours sans parler à personne... C'était toutefois sans compter qu'elle était écuyer impérial, et que par ce fait on lui avait confié un autre maître, qui lui avait perdu son protégé lors du même événement...
Premièrement, c'était un homme, la dernière chose dont Douhbée avait besoin en ce moment. Deuxièmement, c'était le meilleur ami de Leelah... Troisièmement...
C'était Arkay...
Toujours renfermée sur elle-même, donc, Douhbée remue sans cesse ces douleurs, qui l'accablent en cauchemars tous plus horribles les uns des autres, les uns s'accharnant à lui rappeler qu'au delà de tout, elle n'est qu'une esclave, les autres lui remémorant la scène précise qui avait fait mourir Leelah.
Cela ne faisait que quelques jours que Douhbée avait été jumelée à Arkay, ils n'avaient pas particulièrement eu d'entraînement ensemble, possible que le Chevalier n'ait pas plus envie que ça de passer du temps avec la belle pardusse. Toujours est-il que l'Impératrice, elle, ignore leurs troubles et tourments, et les chargea d'une mission diplomatique à la Seigneurie de Vrarhur. L'ancien Seigneur, qu'on disait tyrannique, avait été détrôné et un clan de pardusses avaient pris le contrôle de l'île. Une histoire de règlement de compte qu'Irianeth n'avait pas l'intention de punir. Sans donner plus de détails, outre le nom des deux nouveaux Seigneurs, Pike et Kyla, on envoya le duo s'assurer de la fidélité de ces nouveaux dirigeants envers l'Empire.
Sinon, ils seraient éliminés...
Un oiseau messager avait été envoyé pour informé qu'une diligence diplomatique désirait rencontrer le Seigneur, la Seigneuresse et la Sorcière, les informant du jour et de l'heure de la rencontre. À l'aube de la deuxième journée de voyage, que les heures de silence et de gêne avaient rendu pénible, Douhbée et Arkay arrivèrent enfin au Château, et un page pris soin de leur bête pendant qu'un serviteur allait informer les dirigeants de leur arrivée. Juste avant d'entrer dans la salle du trône, l'écuyer eu un incongrus brûlement d'estomac, bien qu'elle n'eut rien manger de particulièrement différent à l'habitude.
-J'ai un mauvais pressentiment, Maître... chuchota-t-elle à Arkay, brisant le silence pour la première fois depuis des heures. J'ai l'impression de connaître ce nom, Pike, mais c'est si vague dans ma tête, si loin...
À quatre ans, Douhbée avait quitté son peuple, un clan pardusse, probablement semblable à celui qui avait pris possession de cette Seigneurie, outre qu'il était très pauvre. Elle n'avait que quelques vagues images comme souvenirs, mais surtout des impressions, des émotions. Les mains tremblantes, elle se sentait angoissée comme si elle se dirigeait tout droit vers abattoir...
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