Spectaculaire tentative de vol [Libre]

Mathéo était maintenant dans le château. Y entrer avait été presque trop facile : il s’était présenté comme futur écuyer, avait fait une petite démonstration de son pouvoir pour impressionner les gardes, puis avait mentionné qu’il devait rencontrer la magicienne pour son recrutement. Les gardes lui avaient indiqué comment se rendre dans la cour, là où avaient lieu les entrevues avec la magicienne. Le jeune voleur les avait remercié et avait fait mine de s’y rendre, mais il ne voulait pas vraiment s’y rendre pour l’instant. Il s’intéressa plutôt aux longs corridors du château, cherchant une pièce contenant des objets de valeur. Si quelqu’un l’interceptait, il n’aurait qu’à dire qu’il était perdu et cherchait innocemment la cour du château. C’est que celui-ci était si grand, c’était trop difficile de s’y retrouver! Le jeune homme était certain de pouvoir convaincre n’importe qui de ses bonnes intentions et ne croyait pas être en danger. Ce recrutement était vraiment une opportunité en or pour lui et il comptait bien en profiter pour se remplir les poches.

Après quelques minutes à déambuler dans l’immense château, Mathéo tomba sur un corridor mieux décoré que les autres et en conclut qu’il devait mener à des pièces importantes, donc des pièces richement décorées. Peut-être des pièces bien surveillées aussi, mais pour l’instant il n’y avait pas de gardes en vue : ils étaient probablement tous occupés avec les candidats qui voulaient rejoindre l’ordre d’Émeraude. Ou bien ils n’étaient pas habitués de devoir surveiller le château pour que les objets de valeur de soient pas volés par de vilains personnages tels que Théo. Pas qu’il se considère vraiment comme vilain, bien sûr ; il était persuadé d’avoir droit de voler les riches qui, de toute façon, ne savaient plus quoi faire avec leur argent. Il avait d’ailleurs déjà volé le château de Shola avec succès (bien que le prince avait pu l’identifier…) et s’était procurée une magnifique dague qu’il portait toujours à sa ceinture depuis. Non seulement elle était jolie, mais elle coupait bien à peu près n’importe quoi. Mathéo l’utilisait souvent pour couper des morceaux de viande. Elle n’avait certainement pas été conçue pour cela, mais le jeune homme aimait imager le prince de Shola s’offusquer devant une telle utilisation de son arme.

Mathéo ouvrit quelques portes qui n’étaient même pas verrouillées, mais les pièces qu’il trouva derrière ne lui semblaient pas très intéressantes. Au bout du corridor, il trouva finalement une pièce verrouillée et regarda par l’ouverture de la serrure : c’était une chambre richement décorée avec un coffre à bijoux qui, à lui seul, aurait valu le déplacement. Théo entra une pièce adjacente, en ouvrit la fenêtre et évalua la distance qu’il devrait parcourir sur le mur pour atteindre la fenêtre de la chambre d’à côté. Les murs en pierre étaient assez faciles à escalader ; il espérait seulement que personne ne le verrait pendant qu’il se déplaçait d’une pièce à l’autre. Pour l’instant, il n’y avait personne. Sans attendre, Mathéo sortit par la fenêtre, s’agrippa aux pierres du mur et commença à se déplacer, lentement mais sûrement, vers la chambre. Il était au troisième étage, mais il n’avait jamais eu peur des hauteurs.

Il avait atteint la bonne fenêtre lorsqu’il entendit des pas juste en dessous de lui. Oh merde… Il s’aplatit contre le mur, espérant que celui ou celle qui passait par-là serait assez stupide pour ne pas lever la tête…

Mathéo sentit quelqu'un lui prendre le pied et fut tiré vers le bas, dans la pièce juste en-dessous de celle dans laquelle il essayait de s'infiltrer très subtilement. Il poussa quelques jurons colorés qui redoublèrent d'ardeur lorsqu'il reconnut celui qui voulait l'arrêter dans sa légitime tentative de vol : c'était LE prince de Shola! Mais qu'est-ce qu'il faisait là?! Pourquoi avait-il fallu qu'il tombe sur lui plutôt que sur n'importe quel autre habitant d'Émeraude, autre habitant qui ne l'aurait certainement pas identifié comme un voleur. L'espace d'un moment, Mathéo espéra que le jeune homme ne le reconnaisse pas : après tout, il n'était qu'un malfaiteur, un pauvre voleur de pacotille, un prince avait certainement autre chose à faire que de se souvenir du visage d'un moins que rien comme lui... Non? Malheureusement, si les membres de la royauté de ce monde pouvaient oublier un visage, il n'oublierait certainement pas à quoi ressemblaient leurs précieuses possessions... Et Mathéo portait justement une de ses précieuses possessions sur lui : la fameuse dague qu'il trouvait si belle et inutile. Il aurait bien dû savoir que la garder avec lui lui amènerait bien vite plus de problèmes que de solutions. À l'air que faisait le prince, Théo ne manquerait plus de problèmes...

«Qu'es-ce tu penses, que j'vais m'laisser faire?! Que tu m'fais peur?! Ooouuh, j'suis mieux d'arrêter d'bouger, c'est le ô si grand prince de Shola qui me l'demande! Faudrait pas l'faire chier, pauvre p'tit!»

Mathéo aurait bien pris sa dague pour le couper en morceau, mais de un il n’était pas le plus doué en combat rapproché (alors que le prince avait probablement eu des tonnes de leçons de combat durant sa tendre enfance) et, de deux, il ne voulait pas vraiment blesser un prince parce que blesser un membre d’une famille royale relevait souvent du suicide. Enfin, c’est ce qu’il avait cru comprendre. L’adolescent essaya de se libérer en donnant des coups avec son pied libre, mais le prince était plutôt tenace. Il décida alors d’employer la manière forte : la menace de perte d’objet précieux. Convaincu que le prince serait prêt à tout pour retrouver sa dague, Mathéo la fit léviter jusqu’à la fenêtre et la laissa là, suspendue dans le vide.

«Si tu m’lâches pas j’la lance ben ben loin, et tu l’a r’verras plus jamais! D’ailleurs elle était bien pour couper d’la viande, ta p’tite dague…»

Il ajouta cette dernière phrase en espérant l’énerver un peu, histoire qu’il relâche sa prise. Peut-être que ça fonctionnerait. Peut-être pas, aussi… Mais ça ne coûtait rien d’essayer.